Les principaux acteurs institutionnels du monde sportif se saisissent du sujet esport, preuve s’il en fallait que désormais, pour un grand nombre de dirigeants, la question n’est plus “Est-ce que le esport c’est du sport ?”. Mais plutôt, le esport peut-il être un outil pour lutter contre l’isolement et les dérives que créé une autre forme de digitalisation de notre société que sont les réseaux sociaux ? Mieux encore, le esport peut-il réenchanter l’offre de nos clubs sportifs ?
Reconnaissance officielle par le CIO dès 2017 du esport, création des Olympic esports, création de nouvelles pratiques digitales dans les instances nationales (championnat de eligue 1 au football, e-cycling, …), stratégie esport 2020-2025 de l’Etat coportée par le Ministère des Sports et des JOP, … La planète esport, emmenée par France Esport sur notre territoire, s’implante durablement dans le paysage et les acteurs du mouvement sportif s’en accommodent pour certains, s’en saisissent pour d’autres mais surtout, peu d’entre eux restent indifférents ou inactifs.
Car finalement, n’est-ce pas l’opportunité que nous attendions pour renouer avec la tranche des 12 -18 ans dans les clubs ? Nous entendons depuis des années, les fédérations parler de leurs pertes de licenciés sur ce créneau, de la difficulté de constituer des équipes, des championnats, … toujours avec une approche compétitive soit dit en passant, car soyons honnêtes, l’offre sportive pour ces jeunes est encore très tournée compétition. Prenons l’exemple d’un jeune de 14 / 15 ans qui voudrait démarrer un sport d’équipe. Il sera “évalué” pour étudier sa possible intégration dans une équipe compétitive déjà constituée au sein de laquelle il lui sera offert (voir imposé) de venir sur 1 à 2 (voir plus) entraînements par semaine plus la compétition le week-end – et nous parlons ici du jeune qui a du potentiel !-. Pour celui qui n’affiche pas dès les premières séances un niveau suffisant, il comprendra vite que sa présence peut perturber l’évolution de l’équipe et, de lui-même ou par incitation du staff qui ne lui donnera que peu de temps de jeu, il arrêtera presque naturellement cette pratique.
Or cette modalité de pratique – régulière, figée, “contrainte” – semble aujourd’hui assez éloignée des attentes de nos jeunes générations, qui sont plus proches de ce que certains peuvent qualifier d’une approche consumériste du sport.
Nous ne disons pas ici que cette nouvelle approche est bonne mais elle est là et on ne peut l’ignorer ! Ce sont donc deux réponses différentes qui peuvent y être apportées :
- La première consisterait à ne rien changer, à considérer que “c’était mieux avant, …” et prôner un fonctionnement historique et pyramidal du mouvement sportif où le pratiquant se doit de rentrer dans un cadre défini mais forcément le seul pertinent (et oui puisque c’est la puissance publique qui lui délègue cette compétence !)
- La seconde consisterait à repartir des bases : Pourquoi, en tant que club, je développe de la pratique physique et sportive sur mon territoire ? Et surtout pour qui ? Avec quels objectifs ? Mon projet associatif répond-il correctement à l’analyse des attentes de mon territoire ? Moi dirigeant, quel projet j’ai envie de porter sur mon territoire, au-delà des contraintes politiques et fédérales ? Et au final, qu’est-ce que je propose pour ces 12 – 18 ans ? Tout cela pour proposer une action en lien direct avec les réalités du terrain.
Convaincue que c’est cette deuxième voie qu’il faut prendre, la FF Clubs Omnisports la prône au sein de tous ses adhérents et la porte auprès des instances nationales. Sûre aussi que le esport peut être une piste pour s’y engager, un travail de fond a été entrepris pour accompagner l’appropriation de cette pratique par les clubs omnisports.
Mais la difficulté de conserver ces jeunes au sein de nos structures n’est pas uniquement liée à l’absence d’une offre de pratique adaptée bien évidemment. L’attrait d’autres domaines, la liberté grandissante de cette période de vie et soyons clairs, la prise en main de son portable et des réseaux sociaux qui vont avec, offrent une forte concurrence via la pratique dite connectée.
Ainsi dans un article de The Conversation du 21 juin dernier, l’auteur revient sur la modification de la sociabilité sportive des jeunes par les réseaux sociaux mais aussi sur l’impact du sport connecté.
En effet, il pointe la prise de distance actuelle avec les structures classiques de pratique du sport – clubs, fédérations – au bénéfice d’une organisation plus souple et connectée. Mais cette forme de pratique ne va d’ailleurs paradoxalement pas sans “contrainte” liée à des exigences de performances valorisables et valorisées sur les réseaux. Un engrenage qui amène une distanciation sociale, une représentation superficielle de sa pratique (et parfois tronquée) et certaines dérives.
Là encore, la question de l’éducation, de l’accompagnement à ces pratiques connectés est un des enjeux de nos clubs non pas pour demain, mais pour aujourd’hui. Il apparaît intéressant de faire en sorte que le esport ou les pratiques connectées deviennent un moyen de faire revenir nos jeunes “à la maison” club pour leur apporter expertise, convivialité, conseils, vie sociale,… bref ces petits plus si importants que nos associations sportives sont à même de transmettre.
Certains omnisports ont déjà pris les devants et se servent de ces outils mais n’est-ce pas aussi finalement le rôle d’une fédération, bien plus que de capter (souvent par la contrainte) un maximum de licenciés, que de réunir une communauté de pratiquants, de faire évoluer la discipline pour laquelle elle a une délégation, de proposer une réponse aux pratiquants qui gravitent autour de ce sport et qui ne se retrouvent plus dans le schéma traditionnel,… ? Et donc d’accompagner ces clubs dans cette transformation plus que de les figer, pour des raisons économiques qui leurs sont propres dans un modèle “licence / compétitions” très traditionnel ? Et c’est heureusement ce qu’ont entrepris quelques fédérations.
C’est en tout cas ce que défend aujourd’hui la FF Clubs Omnisports pour la bonne et simple raison que c’est ce que réalisent tous les jours, sur le terrain, les nombreux dirigeants et dirigeantes de nos clubs. Ces présidents, présidentes qui, avec un temps d’avance sur les structures nationales, ont compris qu’être un acteur du sport , et au-delà d’une délégation attribuée par l’Etat [aux fédérations disciplinaires] qui fige finalement un statut confortable, c’est avant tout être en phase avec les réalités du territoire, les attentes de la population, l’évolution des besoins et envies des pratiquants,… et donc se remettre continuellement en question sur sa vision, son offre, sa relation à ses adhérents et rester en veille sur les nouvelles modalités de pratiques.