La littératie physique dans les territoires : un levier d’intervention puissant, un chemin vers l’autonomie et la solidarité

Ce article est proposé par Gilles Leproust, Président de l’association des maires de Ville et banlieue de France et Gérard Perreau-Bezouille, président de la Fédération Française des Clubs Omnisports.

Le sport, levier d’émancipation

Tout le monde s’accorde sur le fait que le sport se révèle être bien plus qu’une simple activité physique dans les quartiers populaires, qu’il y devient un levier de transformation et d’émancipation, offrant des bénéfices inspirants. Les exemples concrets sont nombreux,

Mais le sport peut aussi être porteurs de dérives (pratique excessive, violences, chauvinisme et exacerbation des nationalismes, communautarisme, accès inégal, commercialisation, racisme et homophobie, sexisme, appropriation de l’espace public…). Il est donc essentiel d’examiner de manière critique ces risques et effets négatifs et de mieux comprendre les complexités associées, de faire partager qu’il est capital que les acteurs qui interviennent ne soient pas seulement porteurs de « bonne volonté » mais s’appuient, avec la littératie physique, sur une réflexion tournée vers l’action qui, à partir de valeurs fortes, construit du sens au quotidien.

La littératie physique, encore négligée dans le discours sur l’éducation, se révèle en effet comme un outil essentiel pour intervenir dans les quartiers populaires. Si elle favorise une compréhension profonde du mouvement corporel, elle offre des perspectives uniques pour renforcer les communautés et améliorer la qualité de vie des habitants. Elle joue un rôle crucial dans le développement cognitif des individus, en particulier des enfants. En intégrant des activités physiques dans l’apprentissage, la littératie physique stimule la mémoire, la concentration et la résolution de problèmes. Ces compétences sont des fondations solides pour la réussite scolaire et professionnelle, offrant ainsi une voie vers un avenir meilleur.

Elle contribue à la création d’espaces d’agir et faire ensemble, sécurisés et positifs. L’engagement dans des activités physiques encourage la construction de relations positives et la promotion du bien-être mental. Les espaces ainsi créés deviennent des oasis de stabilité au sein de communautés souvent confrontées à des défis multiples. Elle transcende les barrières linguistiques et culturelles. Dans les quartiers où les habitants  ont des vies difficiles, caractérisés par une diversité culturelle importante, la communication peut souvent être un défi. La littératie physique permet de s’exprimer au-delà des mots, favorisant ainsi une compréhension mutuelle et renforçant le tissu social. Ancrée dans une perspective laïque, elle contribue à transmettre le sens de la République, du respect des autres.

Elle favorise l’autonomie et la confiance en soi. En apprenant à comprendre et à maîtriser leur propre corps, les individus développent un sentiment d’efficacité personnelle. Cela peut se traduire par une meilleure prise de décision, une plus grande résilience face aux difficultés et une plus grande motivation pour atteindre des objectifs personnels.

La littératie physique, un instrument puissant pour cultiver l’estime de soi

La littératie physique se profile comme un instrument puissant pour cultiver l’estime de soi au sein de nos banlieues, offrant une voie vers le développement individuel et collectif. En explorant les multiples facettes de cette approche, il devient évident que la compréhension et la maîtrise du mouvement corporel peuvent être des leviers de transformation sociale. C’est une plateforme inclusive où chacun, indépendamment de son parcours ou de ses circonstances, peut participer. En encourageant la participation active dans des activités physiques, elle promeut une valorisation de l’effort individuel, renforçant ainsi la confiance en soi. Ces petites victoires physiques se traduisent souvent par une estime de soi grandissante, créant ainsi une base solide pour le développement personnel.

En parallèle, la littératie physique favorise le développement de compétences sociales cruciales. À travers des activités en groupe, les habitants de nos quartiers peuvent tisser des liens forts, créant ainsi une toile de soutien collectif. Le partage d’expériences physiques encourage la solidarité, permettant aux individus de se sentir compris et soutenus au sein de la collectivité. De plus, elle prévient la délinquance et est un catalyseur pour briser les stéréotypes négatifs qui peuvent être associés à certains quartiers. En démontrant la diversité des talents et des aptitudes au travers des activités physiques, elle renforce l’idée que chacun a des capacités uniques à offrir. Cela contribue à déconstruire les préjugés et à instaurer une culture de respect mutuel, renforçant ainsi l’estime de soi collective.

La mise en œuvre d’activités s’appuyant sur ces principes émerge donc comme un levier puissant pour promouvoir l’estime de soi individuelle et collective dans les quartiers populaires. En offrant une plateforme inclusive, en favorisant le développement de compétences sociales et en contribuant à la déconstruction des stéréotypes, elle ouvre des portes vers l’autonomie et la solidarité. Promouvoir la littératie physique peut ainsi être perçu comme un investissement direct dans l’épanouissement des individus et dans la construction de communautés plus fortes et plus confiantes.

Les clubs omnisports, les collectivités locales, sont des acteurs clés dans les quartiers populaires. Armés de la puissance d’une vision globale, transversale avec la littératie physique, en construisant aussi des relations renouvelles avec les associations et structures des quartiers, ils peuvent aller plus loin. Leur intervention dans cette approche n’est pas dénuée de défis. Il convient d’explorer les avantages et les inconvénients de leur intervention, en complémentarité d’autres acteurs, en s’appuyant sur les capacités de partage d’expériences, de formation, de structuration, de la Fédération Française  des Clubs Omnisports, des associations d’élus, du CNFPT, en les adaptant aux réalités locales pour maximiser leur impact.

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