Regards d’experte : Aude Caria

Il y a 30 ans, la santé mentale faisait peur à tout le monde. La volonté de changer cette situation a motivé l’engagement professionnel de Aude Caria. Psychologue de formation, pendant ses années de recherche épidémiologique pour l’OMS, elle a exploré les représentations sociales de la folie et les manières de les modifier. Par la suite, Aude Caria a piloté la politique qualité de l’Hôpital Esquirol, conçue pour améliorer les pratiques soignantes et faire progresser le respect des droits. Elle a ensuite créé la Maison des usagers de l’Hôpital Saint-Anne, premier lieu d’entraide entre pairs dans un établissement psychiatrique. Depuis 2003, elle porte avec Psycom une vision globale de la santé mentale car c’est en comprenant que nous avons toutes et tous une santé mentale que nous pourrons changer notre tendance à stigmatiser et exclure.

La crise sanitaire a révélé que la santé mentale représente un enjeu politique et social. Car si la psychiatrie concerne les personnes qui ont besoin de soins psychiatriques, la santé mentale concerne toute la population.

« Il n’y a pas de santé sans santé mentale », rappelle l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). En effet, nous avons toutes et tous une santé mentale, aussi importante que notre santé physique. Ce n’est pas un état figé. Ainsi, chaque personne est en permanence à la recherche d’un équilibre entre les ressources qu’elle a pour se « sentir bien » et les obstacles qu’elle rencontre. Tout au long de la vie, son état varie du bien-être au mal-être, et vice-versa ; l’équilibre peut être rompu, puis rétabli. Pour rétablir l’équilibre, on peut trouver des ressources autour de soi et en soi-même.

Néanmoins, notre santé mentale ne dépend pas que de nous, notre personnalité ou ce que nous avons vécu enfant. Elle se consolide ou se détériore en fonction de nombreux facteurs. Certains sont individuels, d’autres sont liés à la société et l’environnement dans lequel nous vivons. Par exemple, être exposé à des violences (physiques, psychologiques ou sexuelles), vivre en situation de précarité, subir des discriminations du fait de son genre, son origine supposée, sa religion ou son parcours de vie, tout cela peut avoir une influence négative sur notre santé mentale. A contrario, vivre dans un environnement protecteur, dans lequel on se sent en sécurité, avoir des ressources suffisantes, pouvoir compter sur des proches (amis, famille, collègues, professionnels), avoir accès à des activités de loisirs, nous aide à maintenir une santé mentale satisfaisante.

Avec Psycom, nous avons créé le kit pédagogique « Cosmos mental® », avec une courte capsule vidéo que vous pouvez visionner sur notre site (https://www.psycom.org/) pour présenter la santé mentale et ses différents facteurs. Chacun peut la visionner, et les adultes intervenant dans les clubs sportifs peuvent l’utiliser avec les adolescents et leurs parents.

En cette année où la santé mentale est déclarée Grande cause nationale, la mobilisation est forte dans tous les domaines de la société, ce qui est très positif.

Le fait de vivre dans un environnement protecteur est une base de sécurité importante de notre santé mentale. Toutes les sphères de notre société, dont les clubs sportifs, peuvent contribuer à promouvoir la santé mentale. Les structures sportives savent bien que faire du sport c’est bon pour notre santé physique et mentale, et souvent agissent déjà en faveur de la santé mentale des personnes accueillies, parfois sans en avoir conscience. A contrario, d’autres peuvent se sentir démunies, ou penser que la santé mentale ne relève pas de leur champ de compétence ou de leurs prérogatives. En effet, lorsque l’on n’est pas « spécialiste » de la santé mentale (ex : psychiatre, psychologue), on a souvent l’impression de ne pas être légitime à agir en faveur de celle-ci.

C’est une question de posture. Il ne faut pas confondre la posture du soin (qui relève des spécialistes professionnels) et celle du prendre soin, qui peut incomber à toute personne, dans une situation donnée (ex : animatrices sportives, responsables de club, entraineurs, etc.).

Lorsqu’une personne souffre de troubles psychiques, ces situations nécessitent un accompagnement adapté, par des services ou des professionnels. Le rôle des services de la Protection judiciaire de la Jeunesse sera alors de faire appel aux acteurs et structures du territoire qui peuvent soutenir ou prendre le relais afin d’améliorer les situations complexes et favoriser le maintien de l’équilibre psychique des jeunes (par exemple, Maison des adolescents, Point écoute Jeunes, services de soins psychiatriques, Conseil local de santé mentale, services sociaux, etc.). L’essentiel est de ne pas tenter de répondre à tous les problèmes et d’identifier à quel moment passer la main. Pour cela, il est essentiel de connaître les ressources de son territoire et de développer des partenariats.

En 2024, plus de 2000 événements (animations, randonnée, courses à pied, stand, festival, ciné débat, ect.) ont été organisés partout en France, par une multitude d’acteurs œuvrant ensemble (associations sportives, universités, collectivités, structures hospitalières et psychiatriques, structures culturelles, etc.) pour « les Semaines d’informations sur la santé mentale » (SISM), autour du thème : «En mouvement pour notre santé mentale ».En effet, les SISM (https://www.semaines-sante-mentale.fr/) sont LE rdv pour parler de santé mentale avec la population et elles ont lieu, chaque année, pendant deux semaines en octobre, au moment de la journée mondiale de la santé mentale (10 octobre) et s’articulent autour d’un thème annuel. Les différents paragraphes qui suivent, dans cette réponse, sont tirés de l’argumentaire (un document explicitant le thème de l’année et les liens avec la santé mentale) des SISM 2024.

Selon l’OMS, « l’activité physique est bonne pour le cœur, le corps et l’esprit (…). Elle peut améliorer la réflexion, l’apprentissage et le bien-être général ». De plus, elle permet de maintenir ou d’améliorer la santé mentale et de réduire le risque de troubles mentaux en agissant sur des facteurs psychologiques tels que le renforcement de l’estime de soi, le sentiment d’auto-efficacité et de contrôle de soi. L’activité physique favoriserait également l’interruption des pensées négatives associées au stress, à la dépression et à l’anxiété.

Toute activité qui met en mouvement compte : les déplacements (à pied, en roller et à vélo), au travail, sous forme de sport ou de loisir, ou en faisant des tâches ménagères et quotidiennes. De plus, toute activité physique vaut mieux qu’aucune activité physique et tout le monde a un intérêt à être plus actif. Se mettre en mouvement dans sa vie quotidienne participe pleinement au parcours de rétablissement des personnes concernées par un trouble psychique. Dans le milieu sportif, favoriser l’inclusion et l’acceptation de la différence dans tous les lieux et clubs sportifs est nécessaire.

Des programmes sportifs portés par diverses associations ou ONG, ou lors de la semaine Olympique et Paralympique soutiennent le développement psychosocial et, plus largement l’intégration de valeurs citoyennes et sportives contribuant ainsi à une meilleure cohésion sociale, facteur protecteur de la santé mentale. Ces valeurs peuvent porter sur l’égalité femme-homme, la lutte contre toutes les formes de violences (sexuelles et sexistes dénoncées dans le milieu sportif), l’inclusion, ou encore le développement durable.

En dehors du cadre compétitif, la pratique sportive ne devrait plus être basée sur la performance, mais bien sur le plaisir et le lien social. Encourager la pratique de l’activité physique dans un contexte social, avec des collègues, des amis ou des membres de la famille ou encore avec un club ou une équipe sportive peut aider à renforcer le sentiment d’appartenance à un groupe qui crée une motivation pour persévérer, et à réduire le sentiment d’insécurité, facteurs influençant la santé mentale. Ce type d’intervention (basée sur le lien social) est complémentaire des actions politiques concernant les environnements et l’accessibilité de l’activité physique.

Par ailleurs, il a été démontré que seule l’activité physique liée à des motivations dites intrinsèques, c’est-à-dire par intérêt et pour le plaisir que l’individu y trouve (s’amuser, désir de relever un défi, se détendre) était associée à des indicateurs positifs de santé mentale. À l’opposé, des motivations de perte de poids ou gain de masse musculaire (image corporelle) seraient associées à un risque accru de troubles anxieux et dépressifs ainsi qu’à une faible estime de soi.

Enfin, depuis quelques années, des sportifs et sportives de haut de niveau prennent la parole pour dénoncer le tabou autour de leur santé mentale et sur la stigmatisation des troubles psychiques. Ce tabou perdure aujourd’hui en raison des stéréotypes associés au sportif de haut niveau (individu hors normes, charismatique et invulnérable). Par ailleurs, les femmes sportives doivent lutter contre des normes physiques bien ancrées et contre la sexualisation de leur corps, facteurs dégradant la santé mentale de celles-ci. Pour les hommes, les attentes sociétales (robustesse, stoïcisme, rien qui ferait de l’ombre à leur virilité) peuvent les décourager de demander de l’aide et peuvent plutôt les pousser à adopter des stratégies d’adaptation destructrices (consommation de substances, comportements à risque, colère, suicide).

Psycom est membre du Collectif « Santé mentale Grande cause nationale 2025 », dont nous portons les objectifs : informer, prévenir, déstigmatiser.

Psycom est un organisme national public d’information sur la santé mentale. Nos deux missions principales sont : informer et sensibiliser. Le site Psycom.org propose ainsi une information fiable, accessible et indépendante sur la santé mentale, les troubles psychiques, les soins, l’accompagnement. Des brochures et affiches sont disponibles et l’organisme Psycom est actif sur les réseaux sociaux, etc.

Pour sensibiliser, Psycom créé des outils pédagogiques afin de comprendre la santé mentale et ce qui l’influence. L’objectif est de faire évoluer le tabou et les idées reçues sur la santé mentale, afin d’agir contre la stigmatisation et les discriminations.

Les ressources s’adressent à toute la population. Il existe de nombreux contenus informatifs et pédagogiques abordant la santé mentale des enfants, des jeunes, des adultes, utilisables par tout le monde. Vous pouvez découvrir sur le site des brochures, le kit pédagogique « Jardin du Dedans® », « Cosmos mental® », des affiches « Mythes & Réalités », des vidéos sur YouTube, etc. Afin que ces outils répondent au mieux aux besoins des personnes qui vont les utiliser, Psycom a recours à des méthodes de co-construction et utilise des techniques de facilitation graphique.

Les Semaines d’information sur la santé mentale (SISM) seront un des moments forts de l’année 2025. Partout en France, des centaines d’événements vont avoir lieu sur le thème « Pour ma santé mentale, réparons le lien social ». Les clubs omnisports sont des lieux de développement du lien social et peuvent tout à fait organiser des événements pendant les SISM et la fédération peut les accompagner. Toutes les informations sont disponibles sur le site https://www.semaines-sante-mentale.fr/.

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