Pascal Thibault a eu un parcours professionnel et extra-professionnel riche. C’est en ce sens qu’il collabore activement au déploiement de la littératie physique par la fédération.
Avec son expérience au sein de l’entreprise Michelin puis à la tête de l’Association Sportive Montferrandaise, son regard sur le sport est aiguisé.
Comment « Oser le sport autrement » ? : la question mérite d’être posée.
Le diagnostic est trop clair
Le diagnostic est clair : le niveau d’activité physique en France est faible, et notamment dans le domaine éducatif où l’on se situe à un rang inacceptable dans une comparaison mondiale comme le rappelle le sénateur Juanico : « si on établissait un classement de type Pisa sur l’activité physique à l’école La France se situerait au 119e rang sur 149 ! ».
Pour autant est-ce un problème ? Une question urgente ? Un véritable défi de la société française ? Il y en a tant à résoudre.
Si l’on veut s’en convaincre, il suffit d’écouter le professeur Carré qui se démène depuis 40 ans pour essayer de faire comprendre l’importance de l’activité physique dans l’équilibre de santé générale de la population. Au-delà des analyses scientifiques et des constats de fait, le professeur Carré formule une vérité essentielle : « l’activité physique ne fait pas du bien, c’est le manque d’activité physique qui fait du mal. »
Changer le regard
Il nous invite par cela à un changement de regard radical sur l’activité physique. Ce changement de regard nous oblige à aller au plus profond de de notre histoire personnelle et collective, de notre éducation, de notre vision de la société, etc. Rien moins que cela.
Alors, dénoncer les conséquences désastreuses d’un manque d’activités physiques sans en tirer une volonté d’agir, promouvoir des réalisations exemplaires qui ne sont pas déployables faute de relais, prendre des orientations qui ne sont pas applicables faute de moyens, répéter à l’envie des injonctions qui ne sont pas entendables culturellement, tout cela et globalement inefficace… voire coupable.
Il faut changer le regard des gens, des citoyens, sur le sport et l’activité physique. En commençant par évacuer les connotations négatives liées au sport : « ça fait mal », « ça donne des courbatures », « ça fait suer et dégrade mon image corporelle », etc, pour en faire une certitude de mieux-être. En commençant par casser ce lien implicite entre activité physique et compétition que véhicule le mot sport.
Alors parlons de culture du bouger, de culture de l’activité physique et surtout de culture du « bien dans sa peau tout au long de la vie », quitte à contourner le mot sport.
Moins de distraction, plus d’accomplissement
De la même manière que la pratique sportive n’est pas éducative en soi comme le souligne Gilles Vieille Marchiset, la pratique en compétition ou occasionnelle, en défoulement ou distraction, ne répond pas aux critères de construction et d’entretien d’un véritable équilibre vital de l’individu. Il faut passer de la distraction à l’accomplissement dans la conception que nous avons du sport.
Tout cela relève d’une véritable révolution, complexe, autour de l’étendard de la « littératie physique ».
Cette approche globale s’appuie sur une vision dans laquelle le sport et l’activité physique ne sont plus considérés seulement comme un loisir, ou un remède, quand le mal est installé, mais comme un élément d’équilibre qui suppose une pratique quotidienne. Le sport et l’activité physique ne sont pas, ne peuvent pas être, réduit au statut de distraction et doivent être considérés comme un moyen, un levier d’accomplissement de la personne. C’est aussi vital que se nourrir chaque jour.
La littératie physique est un voyage dont le plus important n’est pas la destination mais le parcours
Pour se concrétiser cette vision doit s’appuyer sur une notion fondamentale qui est celle de parcours, de parcours construit qui respecte les étapes de développement de l’enfant et de l’individu d’une manière générale et qui colle aux évolutions de sa vie. Les sciences du développement neurologique, du développement physiologique de l’enfant nous ont appris énormément de choses ; elles nous enseignent que l’acquisition des compétences motrices doit respecter une suite d’étapes bien définies et articulées. C’est tout ce qu’ont parfaitement documenté notamment les Canadiens avec le développement à long terme de l’athlète (DLTA) mais aussi les études de physiologie du professeur Pascale Duché, par exemple.
La finalité de l’éducation physique et sportive dans les jeunes années ne peut pas être « que » la compétition. Ensuite, on ne peut que déplorer l’absence d’offre suffisamment structurée et attractive à partir de l’adolescence et dans les premières étapes de la vie professionnelle pour ceux qui n’entendent pas s’investir dans la compétition structurée.
Parallèlement, quand on a perdu le fil d’une activité physique régulière, suite aux circonstances de la vie, un retour progressif, personnalisé et accompagné, à une activité autonome est la meilleure garantie de succès. À commencer par une évaluation soignée de son état de forme et la construction d’un parcours adapté à chacun.
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